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C’est un trésor parmi les trésors. A la Bibliothèque nationale de France (BNF), rue de Richelieu (Paris 1er), une poignée de manuscrits sont conservés à part, dans un espace baptisé « la réserve », où sont entreposés, entre autres, des merveilles médiévales (l’Evangéliaire de la Sainte-Chapelle, Les Grandes Heures d’Anne de Bretagne), des ouvrages orientaux, les calligrammes originaux de Stéphane Mallarmé… Et le plus récent de tous, datant de 1924, le Manifeste du surréalisme, d’André Breton, texte fondateur du mouvement d’avant-garde qui bouleversa les arts plastiques, le cinéma et la littérature.
A l’occasion de son centenaire, le mouvement est l’objet d’une exposition au Centre Pompidou (Paris 4e), du 4 septembre au 13 janvier 2025, avec un parcours exceptionnel d’œuvres, dont le Manifeste. Un événement en soi, puisque le manuscrit, que les surréalistes considéraient comme leurs tables de la loi, n’a été montré au public qu’à deux reprises : au Centre Pompidou, déjà, en 2002, et à la BNF, en 2021. Puisqu’il était « absolument essentiel de présenter le document original », selon la co-commissaire de l’exposition, Marie Sarré, il a été sorti de « la réserve ».
Ce mercredi 21 août, à la BNF, l’ambiance est concentrée. Olivier Wagner, chargé de collections « manuscrits modernes et contemporains » au sein de l’institution, est aux manettes. Il compte un à un les vingt et un feuillets de 23 centimètres sur 36, sur lesquels, d’une fine écriture, André Breton définit le surréalisme comme un « automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée ». Si le Manifeste recommande d’agir « en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale », son emballage obéit, lui, à des règles précises. Un à un, ses fragments sont empaquetés, installés dans une caisse en bois sans signalétique, et transportés dans un camion anonyme pour éviter les vols.
C’est que le texte est l’un des plus importants du siècle. « Il fédère un mouvement, explique Marie Sarré, lui donne une réelle existence. » Louis Aragon, Max Ernst, Philippe Soupault, Paul Eluard et tant d’autres se retrouveront autour des principes édictés par André Breton. De même que de nombreux plasticiens du monde entier, comme le montrera l’exposition à Beaubourg. Marie Sarré assure notamment que, « très vite, le texte de Breton a été traduit en japonais et en chinois ». La destinée du mouvement sera exceptionnelle, aventure artistique et humaine, faite d’amitiés, de rivalités, de haines et de rancœurs. En septembre 1966, André Breton meurt et, trois ans plus tard, Jean Schuster, son exécuteur testamentaire, publie dans Le Monde une tribune signant l’acte de décès du mouvement. « Quarante ans. Aucune avant-garde n’a duré aussi longtemps », explique Marie Sarré.
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